Les Forums européen et français poursuivent leur cycle de webconférences dédiées à la prévention des rixes

Dans le cadre d’un cycle de webconférences dédié à la prévention des rixes, les Forums européen (Efus) et français (FFSU) ont organisé un deuxième temps d’échanges autour des enjeux de prévention par les pairs. La séance du 18 mai a réuni une cinquantaine d’acteurs de la sécurité locale entre élus, techniciens des collectivités acteurs associatifs. Elle a été l’occasion de partager des principes indispensables à la prévention par les pairs et des exemples de pratiques efficientes.

Les protagonistes des rixes sont des publics jeunes, essentiellement des jeunes en âge d’être scolarisés en collège ou lycée : pré-adolescents, adolescents et jeunes adultes. Ces publics aux caractéristiques différentes sont dans des périodes de construction personnelle et sociale susceptibles d’amener à des situations de violence, en tant qu’auteur et/ou victime. La construction sociale se fait en partie en confrontation avec les adultes qu’il s’agisse des parents ou des professionnels. Elle se fait au contact de pairs qui revendiquent une même identité et un sentiment d’appartenance fort. On retrouve ici la notion de groupe fédéré autour de l’amitié et du quartier. Nombre de jeunes sont sous la pression des pairs : « on ne peut pas dire non », dans une logique de loyauté, d’honneur et de réputation. Les pairs peuvent susciter une ouverture plus grande des jeunes, de par leur compréhension plus directe des enjeux, parfois même partagés.

L’approche en termes de pairs constitue une méthode complémentaire aux approches plus traditionnelles de prévention des tensions, du harcèlement et de la violence. La prévention par les pairs doit s’inscrire dans une perspective globale de prévention. Elle suscite néanmoins toujours des réserves concernant la prévention de la délinquance (habitude de l’intervention publique, questionnements moraux et éthiques sur l’implication des pairs ou de repentis etc…). En définitive, en France comme en Europe, les jeunes sont pour l’instant peu associés aux réponses proposées.

La médiation en milieu scolaire

La médiation par les pairs en milieu scolaire est soutenue par la médiation scolaire. Elle consiste en une présence des médiateurs sociaux en milieu scolaire. Cette présence dans et aux abords des établissements a pour objectif de prévenir des situations conflictuelles, telles que le harcèlement par exemple. Les médiateurs scolaires proposent un accompagnement individuel ou collectif des élèves et impulsent des projets s’inscrivant dans la vie de l’établissement.
Un élément central partagé par les acteurs est la nécessité de l’investissement de la part du personnel éducatif (CPE, professeurs, etc.), condition impérative de la médiation par les pairs. De même, il apparaît qu’une telle action ne saurait être efficace sans pérennité ni suivi régulier du dispositif.

Certaines limites paraissent néanmoins face à ce dispositif, telles que le risque de « déchargement » des responsabilités des adultes sur les jeunes médiateurs alors que ceux-ci ne sont pas forcément outillés pour traiter des conflits pouvant parfois découler de problèmes trop importants chez les jeunes. En ce sens, un accompagnement rigoureux des jeunes par les adultes est nécessaire.

Une autre limite de la médiation par les pairs peut être la réticence dont pourraient faire preuve les établissements devant un tel dispositif d’implication des jeunes pouvant nuire à leur sécurité, alors même que la médiation par les adultes apporte des résultats satisfaisants. Il apparaît ainsi nécessaire de bien travailler la posture des pairs afin d’éviter toute mise en danger dont ils pourraient souffrir.

Enfin, il convient de parvenir à trouver l’équilibre entre l’outillage nécessaire des jeunes et la nécessité de ne pas opérer une trop forte institutionnalisation de ceux-ci et d’éviter les discours moralisateurs pouvant s’avérer contre-productifs.

Le recours aux aînés et à des leaders positifs

L’enjeu ici est de rendre le message de prévention crédible auprès des jeunes. La diffusion de messages apaisants de la part de ce type d’acteurs interroge le contenu de leur message, les modalités de diffusion ainsi que la question de savoir si cet engagement de leur part doit se faire de façon spontanée ou bien davantage encadrée par les acteurs traditionnels de la prévention. Enfin, comment et dans quelle mesure ces échanges intergénérationnels doivent-ils être institutionnalisés et comment évaluer l’impact de ces démarches ? Des témoignages concrets viennent étayer la discussion.

La Ville de Saint-Denis a été amenée à faire part de son expérience en termes d’association d’aînés « repentis » des rixes. Adama Camara est intervenu dans deux collèges (classe de 4ème- 3ème) identifiés comme au cœur de rixes inter-quartiers. Après la diffusion d’un clip de prévention ainsi que la présentation de son histoire familiale, celui-ci a abordé avec succès la thématique des rixes au travers de séances d’1h30 d’échanges et de questions avec les jeunes. Son opération Descente de mots va se poursuivre avec des ateliers d’écriture (rap, slam, poème) courant juillet, qui rassembleront jeunes volontaires et jeunes leaders identifiés et à l’issue desquels un enregistrement leur sera proposé. La Ville entend étendre l’initiative à d’autres établissements et cherche à multiplier ce type d’interventions avec d’autres personnes adultes-ressources (ex : compagnies de théâtre).

Mamadou Doucara, directeur d’un Espace Jeunesse parisien a été témoin pendant 5 ans de rixes entre les 18ème et 19ème arrondissements. Il rapporte avoir mobilisé deux « jeunes charismatiques » à des fins d’identification des jeunes impliqués dans les rixes. Ces jeunes-ressources disposaient d’une légitimité auprès des autres jeunes et ont été équipés de caméras afin de réaliser un reportage. Le travail s’est poursuivi avec l’organisation d’un séjour commun entre les deux quartiers, à New York dans le Bronx, qui n’aurait pu aboutir sans l’apport des acteurs de territoire, dont les jeunes ressources et leaders positifs. En définitive, leur expertise particulière du territoire et des enjeux ont permis de faire disparaître les histoires entre les deux quartiers.

De façon plus générale, l’association de prévention LEIA (Bastia) indique avoir récemment mis en place des ateliers expérimentaux (ateliers boxe, groupe de parole, randonnée, théâtre) pour faire face aux récentes rixes. Leurs équipes de prévention sont composées d’un binôme éducateur/psychologue dans une perspective holistique. Cette approche holistique, mêlant une large diversité d’acteurs et pouvant englober à ce titre les actions de préventions par les pairs apparaît à privilégier.

C’est avant tout une dynamique d’acteurs de quartier qu’il convient de favoriser, dynamique au sein de laquelle peut et doit s’inscrire la prévention par les pairs. Celle-ci ne doit en revanche en aucun cas constituer une opportunité de dessaisissement du problème par les adultes et ne peut constituer qu’un pendant de la stratégie globale à déployer.

Les prochaines sessions des web conférences dédiées aux rixes :

 

  • Jeudi 17 juin : réseaux sociaux, espace public numérique et prévention.
  • Septembre : Aide aux victimes et travail de mémoire.

 

La saviez-vous ?

Le FFSU mène depuis 2020 un accompagnement dans plusieurs villes pilotes de Seine-Saint-Denis sur la prévention des rixes entre jeunes, en partenariat avec la MMPCR et le CESDIP, avec le soutien de la Préfecture. Les diagnostics locaux, l’analyse des actions déjà réalisées et un parangonnage sur les autres pratiques mises en place en Europe permettront d’élaborer une stratégie qui sera ensuite déployée sur l’ensemble du département.