En clôture du cycle de trois formations dédié aux conduites à risques chez les jeunes, le FFSU proposait aux acteurs de la prévention d’accroître leurs connaissances des pratiques (pré-)prostitutionnelles chez les jeunes, le 20 février 2020.
Les villes de Gennevilliers, Montreuil, Mulhouse, Rennes, Villiers-le-Bel étaient représentées mais également Angers Loire Métropole, la Communauté d’agglomération Creil Sud Oise et Toulouse Métropole ainsi qu’une représentante de la Protection judiciaire de la jeunesse et de l’entreprise de médiation Médiaction.
Les participants ont pu échanger avec des professionnels investis et reconnus dans le champ de la prostitution des mineurs : Katia Baudry, sociologue à l’Association Astheriia ; Emmanuel Meunier, chargé de projets à la Mission métropolitaine de prévention des conduites à risques ; Benoît Kermorgant, coordinateur du Mouvement du Nid Ile-de-France et Claire Felter, chargée de la prévention des violences faites aux femmes de la Ville de Mulhouse.
Comprendre un phénomène protéiforme
La visibilité des pratiques prostitutionnelles chez les jeunes est en expansion alors que l’intérêt pour ce phénomène est une préoccupation publique assez récente et peu intégrée dans les stratégies locales de prévention. La majorité des professionnels de terrain sont peu sensibilisés et outillés pour repérer et intervenir. Il s’agit d’un sujet complexe qui recouvre des situations très diverses et qui reste encore tabou pour les institutions publiques. Ce phénomène est également en lien avec de nombreux enjeux tels que les addictions, l’usage du numérique, les trafics de stupéfiants…
Une partie des échanges a été consacrée à déconstruire les déclinaisons sémantiques du phénomène : michetonnage, escorting, prostitution, pigeonnage sont autant de mots utilisés par des groupes différents. Le mot michetonnage est facilement utilisé par les jeunes pour décrire les pratiques alors qu’ils ne les qualifieront pas de prostitution. L’escorting correspond aux mêmes pratiques que le michetonnage dans une version plus huppée. Les professionnels recourent alors à l’utilisation des mots michetonnage ou escorting pour entrer en contact avec les jeunes et créer du lien. Mais derrière ces notions qui peuvent donner l’impression de relativiser les gestes et de minimiser les risques, la réalité correspond bien à de la prostitution. Tout le rôle du professionnel est de lier les notions entre elles : le michetonnage dans la discussion avec le jeune, la prostitution pour la réflexion professionnelle et l’accompagnement.
Dans la continuité des échanges sémantiques, plusieurs idées reçues ont été déconstruites. Il n’existe pas de profil type : d’après les premières études, s’il s’agit de mineurs qui ont, pour la plupart, vécu un traumatisme passé et sont dans des situations de vulnérabilité, ils sont de toutes origines géographiques et sociales. Il s’agit majoritairement de filles mais des garçons sont également détectés. Il n’existe pas de “proxénétisme des cités” mais plusieurs organisations différentes et évolutives. Un·e jeune peut se livrer à la prostitution de manière solitaire, en lien avec d’autres jeunes de manière à former un petit groupe, sous l’effet d’un loverboy (petit-ami qui prostitue sa partenaire), d’un groupe ou d’un réseau. Dans ces dernières situations, l’emprise des organisateurs, des proxénètes, du groupe est croissante tant ils prennent possession du corps des mineurs, organisent les “passes” : annonces, prises de rendez-vous, transports, lieux, sécurité, etc. L’emprise dont sont victimes les mineurs entraînent une mise à distance de la réalité des pratiques auxquelles ils se livrent et complexifient l’accompagnement des professionnels.
Une meilleure compréhension du phénomène est essentielle pour pouvoir repérer et accompagner. La ville de Montreuil va par exemple développer une recherche action sur son territoire avec l’association Astheriia pour mobiliser les acteurs locaux et mieux comprendre les pratiques des jeunes et des familles.
Repérer et prendre en charge : des pratiques à développer
Savoir déceler des pratiques prostitutionnelles chez les mineurs peut être une tâche ardue. La sexualité relève de l’intime et peut être taboue dans certaines familles et chez certains professionnels qui se refusent à aborder ce sujet. Les parents ont besoin d’être accompagnés dans l’éducation à la sexualité, en amont, mais également lorsqu’un enfant se livre à de la prostitution, pratique qui les désempare totalement. Les professionnels socio-éducatifs éprouvent les mêmes blocages : comment aborder la question de la prostitution des mineurs avec des adolescents ? Plus que d’aborder frontalement cette question, il est préférable d’établir des stratégies de contournement, l’utilisation du mot michetonnage en est une. Les actions de sensibilisation aborderont par exemple des thèmes des relations fille/garçon, la virilité ou l’éducation à la vie affective et sexuelle dans son ensemble comme préalable à des échanges sur la prostitution qui s’induisent alors plus facilement. Il est important de créer des espaces d’échanges décomplexés pour les jeunes. La prévention par les pairs peut également être un outil intéressant à développer. La Ville de Mulhouse a par exemple élaboré avec des jeunes filles une vidéo de motion-design sur ce phénomène.
Des échanges individuels sur la base des comportements décelés en groupe peuvent permettre ensuite d’amorcer un accompagnement. Ce processus d’accompagnement, lent, délicat et différent pour chaque jeune demande un investissement fort des acteurs sociaux-éducatifs-judiciaires. Chacun doit connaître les éléments essentiels des comportements prostitutionnels chez les mineurs afin de pouvoir les déceler et d’en échanger avec d’autres professionnels davantage avertis. La question du signalement est cruciale. Le sujet exige que chacun s’en empare pour une continuité dans la prise en charge des victimes. Si la prostitution des mineurs relève légalement de la protection de l’enfance, la collectivité peut lancer l’alerte aux partenaires du CLSPD et de la santé pour une réflexion collective notamment avec l’Éducation nationale qui est l’acteur clé dans la détection et la prise en charge des situations de prostitution chez les jeunes : des liens forts entre partenaires permettront de repérer rapidement les jeunes et de les inscrire dans un suivi global.
Une problématique intégrée dans les activités du FFSU
Cette formation était l’une des premières activités menées par le FFSU sur la problématique de la prostitution des mineurs. Les échanges avec les professionnels ont confirmé la nécessité de poursuivre la sensibilisation et l’accompagnement des acteurs locaux pour faire face à cette problématique. Le FFSU envisage de développer des activités et d’intégrer des recommandations dans son livre blanc pour la sécurité des territoires afin de contribuer à visibiliser ce phénomène. Toute collectivité souhaitant s’engager dans des actions de prévention de la prostitution des mineurs peut se mettre en lien avec notre équipe.
>>> Retrouvez notre offre de formation 2020