Santé mentale : une question qui devient prioritaire pour les villes 

Mai 2023 – Alors que la santé mentale occupe une place croissante dans les politiques des villes et devient un sujet de préoccupation grandissant pour les acteurs de la sécurité, le Forum Français pour la Sécurité Urbaine (FFSU) organise une rencontre avec le dispositif PEGASE (Programme d’Échanges pour améliorer la Gestion de l’Accès aux Soins en intErprofessionalité) lors de ses Assises de la sécurité des territoires le 30 mai à Bordeaux. Il a également organisé une réunion le 14 mars 2023 avec des représentants de 24 collectivités membres.    

Plus de 40% des Français affectés

Les activités menées par le FFSU sur cette problématique répondent à l’accroissement des troubles de santé mentale constatés depuis la pandémie de Covid-19, qui affectent plus durement les populations les plus fragiles. Ils concernent aujourd’hui quatre Français sur 10 (41%), selon une étude conjointe de Santé publique France, l’agence nationale de santé publique, et de l’organisme de sondage BBVA publiée en janvier 2023. Un sur quatre (24%) montre des signes d’un état anxieux, et un sur six (17%) des signes d’un état dépressif, une augmentation de respectivement 11 et 7 points par rapport aux chiffres enregistrés avant la pandémie.

Une question devenue prioritaire pour les villes

Si la santé mentale ne fait pas partie des prérogatives et compétences centrales des villes, où vit plus de 80% de la population française, elle dépend en partie de facteurs sur lesquels elles interviennent directement, tels que le cadre de vie, la mobilité, le logement et les loisirs. 

Les villes jouent aussi un rôle important pour faciliter l’accès aux soins, alors que celui-ci est difficile : « Seules 40 à 60% des personnes souffrant de troubles psychiques sont aujourd’hui prises en charge, et la qualité des soins est très inégale », note une étude de décembre 2020 de l’Institut Montaigne. Le fait qu’un colloque international « Villes et santé mentale » se soit tenu en décembre 2022 à Nantes montre combien les villes françaises se préoccupent de cette question et sont désireuses de travailler ensemble.

Des conséquences directes sur la sécurité urbaine

Les problèmes de santé mentale ont également des conséquences sur la sécurité urbaine. Ainsi, les acteurs locaux notent une augmentation des troubles à l’ordre public liés aux troubles psychiques. De plus, les personnes souffrant de tels troubles sont elles-mêmes en risque de victimation (mise en risque d’elles-mêmes, agressions…), de même que leur entourage et leur environnement social plus large. On sait également que le fait de se sentir en insécurité dans sa ville peut avoir un impact sur la santé mentale des personnes.

C’est pourquoi le FFSU préconise d’intégrer les enjeux de santé mentale dans les stratégies territoriales de sécurité et prévention de la délinquance, dans le respect des droits humains des personnes souffrant de troubles mentaux. Il est important en effet qu’elles ne soient pas stigmatisées. 

Un large partenariat est nécessaire

Dans son Livre blanc pour la sécurité des territoires, le FFSU affirme qu’« un vaste partenariat est nécessaire pour accompagner l’individu, du trouble à l’ordre public jusqu’à la prise en charge sanitaire : si les contrats locaux de santé (CLS) et les conseils locaux de santé mentale (CLSM) organisent utilement le partenariat, les moyens de prise en charge manquent cruellement sur le terrain, rendant celle-ci inopérante ». Il reconnaît aussi que « ce sujet, dont l’importance est soulignée par tous les acteurs de terrain, est à ce jour insuffisamment travaillé, y compris par le FFSU ».

Échange d’expériences locales 

L’atelier « santé et sécurité » aux Assises de la sécurité des territoires 2022 à Lille.

Lors de la réunion du 14 mars, les collectivités membres du FFSU ont partagé leurs constats en matière de santé mentale et de sécurité dans leurs territoires et les dispositifs de prévention et de soins qu’ils ont mis en place, tels que : 

> des cellules de veille comprenant des soignants du secteur psychiatrique qui permettent de déterminer l’approche idéale à adopter envers une personne souffrant de problèmes psychiques ;

> la sensibilisation de tous les habitants à la complexité des troubles psychiques afin de mieux lutter contre la stigmatisation des personnes souffrant de tels troubles ; 

> la formation, la sensibilisation et le partage d’expériences entre agents du secteur psychiatrique afin d’améliorer les interventions auprès des patients. 

Santé mentale et désengagement des parcours délinquants 

Signe de la mobilisation des collectivités et des associations pour promouvoir la santé mentale comme une approche efficace de prévention de la délinquance, le dernier PrixPrev (2022) a été décerné à l’association PRISME , qui cherche à renforcer les compétences psychiques et sociales des personnes placées sous main de justice. 

L’association a développé un programme innovant, fondé sur des données scientifiques, pour donner à ces personnes les moyens psychiques de répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne, et ainsi faciliter leur insertion et leur désengagement du parcours délinquant. 

« La santé mentale constitue un socle solide permettant de favoriser la réussite des parcours d’insertion et le désengagement des parcours délinquants », a affirmé Elie Lemarchand, Directeur de l’association, lors de la cérémonie de remise du prix en janvier 2023 dans les locaux du FFSU.


Le dispositif PEGASE en Gironde

Le Programme d’Échanges pour améliorer la Gestion de l’Accès aux Soins en intErprofessionalité (PEGASE) se situe dans le champ de la gestion pré-hospitalière des urgences psychiatriques. Il vise à renforcer la coordination des acteurs concernés (médecins généralistes, infirmiers libéraux, SAMU, pompiers, forces de l’ordre, transports sanitaires, etc.) pour améliorer la prise en charge des patients sur le territoire de la Gironde, notamment par la formation, des espaces de discussion interprofessionnels et le développement d’outils communs. 

Dans le cadre de sa stratégie territoriale de sécurité et de prévention de la délinquance, la Ville de Bordeaux souhaite renforcer l’aller-vers les personnes vulnérables pour mieux les protéger. Ainsi, elle a développé un partenariat avec le programme PEGASE et la ligne téléphonique Questions Psy d’information et d’orientation pour qu’ils constituent une ressource pour sensibiliser et outiller les professionnels de proximité pouvant être confrontés à des problématiques de santé mentale (bailleurs, policiers municipaux, médiateurs…).