Confrontés à la montée en puissance des problématiques liées aux usages et trafics de drogue dans leurs territoires, les élus du Forum Français pour la Sécurité Urbaine constatent les limites des politiques menées depuis les années 70 et des nouveaux dispositifs mis en œuvre. Ils réaffirment leur volonté d’engager un véritable débat sur la législation existante, débarrassé de tout blocage idéologique. Conscients que seule une approche holistique, prenant en considération aussi bien la demande que l’offre de drogues, pourra être efficiente, ils appellent à mieux articuler les politiques de santé et de sécurité et se disent prêts à développer des expérimentations dans leurs territoires.
Le trafic de stupéfiants dans l’espace public est parmi les sujets les plus préoccupants pour les collectivités territoriales : montée en puissance des trafics, de leur visibilité et de leur poids sur le développement des quartiers, abaissement de l’âge des jeunes impliqués, habitants et agents municipaux menacés, etc.
« L’enjeu est de sortir de cette position très segmentée et caricaturale séparant artificiellement santé et sécurité, pour apporter une réponse mobilisant diverses compétences autour d’un phénomène complexe », Nathalie Latour, Déléguée générale de la Fédération Addiction
Les élus locaux, concernés en première ligne, constatent que la législation actuelle et une partie des pratiques professionnelles segmentent artificiellement les politiques de santé et de sécurité, passant à côté de la complexité du phénomène et des liens entre offre et demande, entre usage et revente. Ils constatent également que, malgré les nombreux dispositifs policiers et judiciaires existants, les réponses apportées jusqu’à présent n’ont pas permis d’endiguer le phénomène, entraînant un sentiment d’abandon de la population ainsi qu’une décrédibilisation de l’action publique.
Le constat d’échec est partagé depuis plusieurs années par des élus de diverses sensibilités politiques et ils sont de plus en plus nombreux à élever la voix pour une évolution de la législation et la mise en œuvre d’expérimentations.
« À Lille, nous mettons en place des groupes de travail avec tous les partenaires pour la prévention de l’entrée des jeunes dans les trafics : développer une culture commune sur les facteurs de risques », Mélanie David, Directrice du Conseil local de sécurité et prévention de la délinquance de la Ville de Lille
La Ville de Villeurbanne[1], a particulièrement contribué à visibiliser ce débat en organisant une consultation citoyenne sur le cannabis en 2018. De nombreuses collectivités mènent des actions pour limiter l’impact des consommations et trafics (plan de prévention des addictions et conduites à risques à Chambéry, accompagnement des professionnels pour les aider à intervenir auprès des jeunes et familles malgré l’implication dans les trafics à Lille, actions de sensibilisation pour déconstruire l’image des dealers auprès des jeunes à Saint-Denis, …) et des outils existent. Il s’agit aujourd’hui de mieux combiner les outils et approches existantes et de déterminer ce qui, dans la législation actuelle, freine l’intervention des différents acteurs puis de la faire évoluer. Les élus du FFSU, réunis dans le cadre des Assises de la sécurité des territoires, ont pris acte de la volonté affirmée par le Gouvernement de lutter contre les trafics de stupéfiants et se réjouissent qu’il en fasse une priorité. Ils vont notamment suivre avec attention la mise en œuvre de l’amende forfaitaire, en partenariat avec la Fédération Addiction, afin de documenter son impact réel sur les trafics et le sentiment d’insécurité local puis transmettre aux représentants de l’État leurs remontées de terrain. Par ailleurs, ils estiment que la réponse en termes de politique publique doit être bien plus ambitieuse et se disent prêts à prendre toute leur part, aux côtés de l’État, dans les réflexions et évolutions à mener. Ils appellent de leurs vœux un dialogue renforcé avec les parlementaires et le Gouvernement et souhaitent notamment que les politiques de prévention et de lutte contre les drogues :
> s’appuient sur les études scientifiques existantes, les retours d’expériences des pays étrangers et l’évaluation des dispositifs existants en France ; > soient développées en concertation avec les élus locaux afin d’être adaptées aux réalités territoriales et de prendre en compte les besoin quotidiens de la population. Le poids que les trafics font peser sur certains quartiers est de plus en plus important et les réponses apportées à la population pour améliorer son cadre de vie ne peuvent pas être centrées sur de longues enquêtes invisibles à ses yeux ; > combinent les enjeux de santé et de sécurité au lieu de les opposer et intègrent la réduction des risques comme principe fondamental ; > permettent la mise en œuvre d’expérimentations suivies de véritables évaluations.
[1] membre du comité exécutif du FFSU